Je reviens d'une semaine à Paris où j'ai eu la chance de participer à une formation très intéressante à l'IN-SHEA (il s'agit du MIN autisme, organisé par Mme Christine Philip).
Au mois de décembre, nous avions eu la chance de rencontrer Stéfany Bonnot - j'en ai déjà parlé - et cette fois, c'est Josef Schovanec qui est venu nous parler de l'autisme Asperger...
C'était gé-nial !!
Nous ne lui avons pas dit de peur de le gêner, mais mes collègues et moi l'avons trouvé fort séduisant !!
Il nous a expliqué plein de choses très intéressantes et très enrichissantes, en particulier une anecdote que je vais vous raconter à mon tour, car elle illustre très bien la façon décalée de ressentir les émotions qu'ont les personnes atteintes d'autisme.
L'intérêt du ressenti des émotions dans l'autisme, c'est un peu mon dada : c'était mon sujet de mémoire pour mon capa-sh, et ça reste toujours un domaine très important quand on travail avec un public avec TED.
Alors voilà :
Josef Schovanec était ce jour là sur un quai parisien en train d'attendre un RER. (Il se souvient très bien de la date, nous l'a dite, mais je ne suis pas aussi compétente que lui, et je ne m'en souviens pas... cela doit faire une dizaine d'années)
Une annonce a retenti quelques minutes avant l'arrivée du RER : le quai venait de changer, et il fallait emprunter les escaliers rapidement pour se diriger vers le bon quai.
Quelques parisiens pressés (pléonasme) ont alors décidé de traverser les voies pour aller plus vite.
Malheureusement, un RER est passé à ce moment là (il ne devait pas s'arrêter), et a fauché ces personnes...
Josef était aux premières loges, et a été témoin de cet accident dramatique...
Une femme, pas blessée mais témoin comme lui, s'était jetée par terre et pleurait, très choquée par la scène à laquelle elle venait d'assister.
Lui a regardé sa montre et s'est dit : "Zut, je vais être en retard".
Il n'est pas fier du tout en nous racontant cela, parce qu'il a appris que cette réaction est choquante pour nous... mais il a l'honneteté de nous le dire quand même, car il sait que nous comprenons que sa réaction n'est pas du tout dûe à un désintérêt des autres, ni à un quelconque égoïsme.
Tout le monde pourrait croire que sa façon de réagir prouve que les personnes atteintes d'autisme ne ressentent rien, ou ne perçoivent aucune émotion, aucun sentiment.
ET POURTANT, lisez la suite :
Il y a 10 ans, Josef Schovanec a donc continué sa route...
Mais il n'y a pas un jour depuis où il ne pense pas à la personne qui est morte sous ses yeux ce jour là (il y a finalement eu un mort, les autres étaient blessés).
Il s'est renseigné sur l'identité de ce monsieur, ainsi que sur sa biographie... Tout cela était important pour lui.
Croyez-vous que les autres témoins de ce drame en aient fait autant ???
Pour nous, réagir tout de suite en pleurant et criant est une réaction normale, nous sommes très choqués devant cet accident et nous réussissons à l'exprimer tout de suite... mais finalement, nous oublions vite et même si les personnes qui étaient sur le quai ce jour là n'ont certainement pas oublié, elles sont quand même vite passé à autre chose, et n'y pensent plus que rarement...
Alors que Josef, lui, n'a pas réagi ce jour-là...
Mais son émotion était très grande !!! Peut-être plus intense, peut-être moins, nous ne le savons pas et ce n'est pas une question d'intensité...
Son émotion ne s'est simplement pas exprimée de la même façon que celle des autres !!
Il a différé le choc dans le temps : il a dû se renseigner sur ce monsieur pour aller mieux, il a dû faire des recherches et ses pensées vont encore souvent vers lui...
Elle est comme ça, sa façon d'exprimer son choc.
Et si c'était de cette façon que s'exprime le plus souvent une émotion, ce serait la femme qui a pleuré qui serait en décalage, pas lui...
Qui sait quelle est la façon "normale" de réagir ???
Cela ne parait pas forcément plus normal de faire couler de l'eau sur ses joues, plutôt que de se renseigner sur la vie de celui qui vient de mourir sous nos yeux...