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26 janvier 2011 3 26 /01 /janvier /2011 18:56

L'autisme et les émotions :

On entend souvent que les personnes atteintes d'autisme ne ressentent rien ou qu'elles ne comprennent rien ni aux émotions, ni aux sentiments... mais c'est totalement faux ! (voir Josef Schovanec décrypte sa façon de ressentir les émotions.)

 

Pourquoi se mettraient-elles en colère alors ?

 

Elles paraissent souvent indifférentes... Elles n'expriment pas leurs émotions de la même façon que nous et elles ne comprennent pas du tout la façon dont nous exprimons les nôtres...

 

Mais les personnes atteintes d'autisme pullulent d'émotions ! C'est même souvent ces émotions qu'elles ne savent ni gérer ni exprimer qui les rendent si fragiles.

 

Mes élèves sont de véritables éponges à émotion : si je suis contrariée, ils seront nerveux... Si quelque chose me tracasse, ils ne se sentent pas bien... parce que je ne suis pas comme d'habitude, et qu'ils aiment que rien ne change.

 

Quand N. lit, ça me fait toujours des frissons partout parce que je sais quels efforts elle fait pour ça et que c'est notre travail ensemble qui l'a amenée à la lecture... Au début, j'en avais les larmes aux yeux et je le laissais paraître : je la félicitais chaleureusement car j'étais très émue. Et bien elle détestait ça : ça la bloquait complètement et elle était très gênée : elle ressentait mon changement et ça la mettait très mal à l'aise. Maintenant, je reste impassible... mais c'est dur !

 

Un autre exemple : il m'est arrivé plusieurs fois d'être victime de la violence d'un élève.

La première fois que ça a été assez "chaud", j'ai eu tendance à appréhender les séances scolaires avec cet élève, je ne le regardais plus de la même façon (j'ai toujours un regard très positif sur mes élèves, je les trouve géniaux !).

Et bien mon élève a tout à fait ressenti cette appréhension et il ne prenait plus autant plaisir à venir en classe, il progressait beaucoup moins. C'est d'ailleurs en analysant ses résultats que je me suis rendue compte que mon regard sur lui avait changé... Je ne pouvais pourtant pas lui tenir rigueur de sa violence (qui n'était pas vraiment tournée contre moi, mais qui était l'expression d'un grande angoisse).

J'ai alors pris sur moi pour que mes sentiments changent à son égard et que l'appréhension cesse : après tout, je n'ai jamais vraiment eu peur de lui, c'est juste que je guettais une éventuelle crise alors que je peux très bien me forcer à ne pas y penser... Tout est rentré dans l'ordre à partir du moment où je me suis rendue compte que je devais agir avec lui comme avant.

 

 

 

L'incompréhension de la communication non verbale :

 

Le fait de ne pas comprendre ce qu'expriment les autres sans parler est très handicapant, surtout quand il s'agit d'émotions fortes. Une mère qui pleure devant son enfant, c'est déjà parce qu'elle craque... Si son enfant se met alors à rire : cela devient vraiment difficile à vivre... C'est pourtant la réaction la plus fréquente chez un enfant atteint d'autisme.

 

Tout cela pour justifier d'une chose importante : il faut apprendre aux jeunes atteints d'autisme à décoder nos émotions d'une part, mais aussi à savoir exprimer les leurs. On peut penser que ce travail n'est pas à faire par une enseignante... et c'est faux pour deux raisons :

 

  • La première est que quand on travaille dans le milieu spécialisé, il faut s'adapter aux "B.E.P" de ses élèves (les besoins éducatifs particuliers). Or les élèves atteints d'autisme ont énormément de lacunes dans le domaine des interactions sociales et ces lacunes les empêchent souvent d'entrer dans les apprentissages. Si on veut qu'ils progressent sur le plan scolaire, il faut alors commencer par travailler ce domaine afin d'ouvrir les portes vers les compétences habituelles des programmes.

 

  • Le seconde raison pour laquelle l'apprentissage des émotions doit faire partie de l'enseignement scolaire, c'est tout simplement parce que cela fait partie des compétences à acquérir au cycle 1 (Dans les programmes de juin 08, dans « DEVENIR ÉLÈVE », on trouve : « À la fin de l’école maternelle l’enfant est capable de : contrôler ses émotions. »)

 

 

 

Les deux facettes du travail sur les émotions :

1- savoir les décoder

2- savoir les exprimer.

 

Je me suis tout d'abord rendue compte de l'importance de la première partie du travail, c'est à dire "savoir reconnaître les émotions sur le visage des autres".

 

C'est quelque chose qui saute aux yeux dès les premiers jours où l'on travaille avec des élèves atteints d'autisme : ils peuvent rire quand on les gronde et avoir très peur si on est ému aux larmes. Ce n'est pas parce qu'ils sont heureux qu'on soit en colère, ni parce qu'ils ont peur de notre émotion ! C'est parce qu'ils ne comprennent absolument pas ce que cela veut dire quand on fronce les sourcils ou qu'on a la chair de poule.

 

C'est une des nombreuses choses qu'ils doivent apprendre de façon précise alors que c'est inné chez les autres enfants (même s'ils ne naissent pas avec cette reconnaissance, les enfants NT comprennent toutes ces choses seuls, en observant et analysant leur entourage dès leur naissance).

 

La première fois que j'ai rencontré les parents de mes élèves, la maman de l'un d'entre eux m'a raconté une mésaventure qui a fini de me convaincre de l'intérêt de ce travail :

Elle était en courses avec son fils et un inconnu a fait un malaise cardiaque. Il est tombé sans connaissance et tout le monde autour était atterré : on a appelé les pompiers et la foule exprimait beaucoup d'inquiétude - les visages étaient fermés.

Mon élève, lui, s'est mis à rire de façon incontrôlable : il avait un fou rire.

Sa maman m'a avoué avoir eu un peu honte de lui a cet instant, car tout le monde le regardait en pensant qu'il était odieux de se réjouir du malheur des autres (ce n'était pas le cas, évidemment, on le comprend bien quand on sait qu'il est autiste - mais ça ne se voit pas sur son visage).

Cette anecdote n'en est qu'une parmi de nombreuses autres : il est vraiment très important de travailler cette compétence avec de jeunes autistes.

 

 

 

La seconde partie du travail paraît peut-être moins importante, mais elle est capitale : il s'agit de "savoir expliquer ce qu'on ressent".

Je ne vous parle pas de psychanalyse ! Même si on sait tous que le fait de dire à d'autres ce qui nous tracasse peut nous aider à surmonter nos petits soucis.

 

Les personnes atteintes d'autisme ont beaucoup de mal à communiquer. Certains de mes élèves ont mis des années à apprendre à demander quelque chose ("Est-ce que je peux avoir un crayon ?" par exemple, peut prendre énormément de temps - et je parle de ceux de mes élèves qui sont verbaux).

 

Sachant cela, on peut se dire que le fait de leur apprendre à expliquer ce qu'ils ressentent sera trop difficile et pas assez rentable pour s'engager dans un projet aussi long ! Pour envisager cet apprentissage, il faut vraiment être sûr que ça en vaudra la peine !

 

Il se trouve que ça en vaut la peine. TOUJOURS. Je suis persuadée que cet apprentissage est incontournable.

 

Je ne l'ai pourtant pas réalisé avec tous mes élèves par manque de temps, mais je le regrette infiniment pour ceux avec qui je ne l'ai pas fait.

Savoir dire qu'on a mal au ventre quand on a mal au ventre.

Savoir dire qu'on est en colère parce que le bus n'est pas passé par les mêmes routes que d'habitude.

Savoir expliquer qu'on a peur de se mettre à côté d'Untel à la cantine parce qu'il peut être imprévisible ou qu'il est trop actif.

Savoir dire : "Non, je ne veux pas danser avec toi parce que j'ai envie de danser tout seul." à la boum des anniversaires.

Savoir expliquer qu'un bruit nous gêne même s'il ne s'agit que du souffle d'un rétroprojecteur qu'on est le seul à entendre.

Autant de situations où ce que l'on ressent pourrait nous faire faire une crise terrible si on n'arrivait pas à l'exprimer.

 

 

RDV à la page Des outils pour travailler sur les émotions. pour voir les outils que j'ai construits pour ce projet.

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commentaires

N
<br /> Primordial, nécéssaire et pourtant si complexe<br /> <br /> <br />
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