Pour apprendre à lire, il faut bien sûr savoir déchiffrer...
Mais ce n'est pas tout : il faut aussi que ce déchiffrage fasse sens...
Il faut qu'à un moment, les yeux s'éclairent et que les syllabes qu'on vient de prononcer successivement fassent un tout qu'on reconnaît comme un mot qu'on avait déjà entendu avant.
C'est bien ça la complexité avec des personnes atteintes d'autisme...
La compréhension orale étant déjà difficile, le déficit de communication étant ce qu'il est, et bien toute la difficulté de compréhension des premières lectures est vraiment accru ! Et continuer de déchiffrer sans arriver à la compréhension n'est pas motivant du tout !
Voilà une petite vidéo qui explique ce qu'est la lecture pour les neurotypiques... On se rend bien compte de tout ce qu'il y a de problématique en plus pour les personnes atteintes d'autisme (c'est un diaporama, le son n'est pas obligatoire) :
www.youtube.com/watch?v=dOWJgAYNvOg&feature=player_embedded
(Je suis désolée, je n'arrive pas à ce que ce lien soit valide... il va vous falloir le copier/coller pour vous en servir...)
C'est bien l'entrée dans la lecture qui va être un problème... mais une fois les premiers mots découverts et les premières surprises, cela devient souvent beaucoup plus motivant si les écrits proposés ne sont pas rébarbatifs...
D'où l'intérêt énorme de ne pas se focaliser sur une méthode, et de bien adapter les premières leçons afin de garder la motivation : il suffit vraiment parfois de très peu de temps où il faut rivaliser d'idées pour capter l'attention...
Et puis une fois l'intérêt gagné, ça roule bien souvent tout seul ! Même si il faut souvent y aller lentement quand même, pour ne pas tout perdre en route : les efforts demandés sont importants, c'est lourd d'apprendre à lire ! Alors il faut quand même chercher des compensations en donnant des lectures intéressantes !
Je ne parle pas de graphisme, mais bien d'écriture.
Pour les élèves qui arrivent dans ma classe (à 16 ans) et qui n'ont jamais réussi à écrire une lettre ou un chiffre à cet âge, je ne m'acharne pas : j'estime que l'adolescence n'est plus un âge où faire du graphisme.
Pour ceux qui sont en cours d'apprentissage de l'écriture de leur prénom, je continue, bien sûr ! Le fait qu'ils puissent signer est assez important pour qu'on se batte : il faut qu'ils y parviennent s'il y a la moindre chance pour qu'ils en soient capables !
La plupart des élèves qui arrivent dans ma classe écrivent en majuscules d'imprimerie.
L'écriture cursive (en lié) pose énormément de problème aux élèves avec autisme. En passant par l'écriture en majuscules, ma collègue leur permet de réaliser quelques petites production d'écrits, et c'est quand même bien plus motivant pour avoir envie de se donner le mal d'écrire en lié après !
Quand je dis qu'il faut de la motivation pour la cursive, ce n'est pas exagéré du tout : écrire des mots d'une traite est vraiment très compliqué pour mes élèves !
D'ailleurs, j'ai recopié un passage du livre de Daniel Tammet "Je suis né un jour bleu" où il explique que lui aussi trouve cela compliqué :
" L'écriture était toujours fastidieuse. Certaines lettres, le g et le k en particulier, étaient fatigantes parce que je n'arrivais pas à me rappeler comment il fallait faire. Je m'entrainais à écrire des lignes et des lignes de g et de k, feuille après feuille, mais leur boucle et leur bras n'étaient pas naturels pour moi et il me fallut beaucoup de temps avant d'être capable de les réaliser avec confiance. J'étais à la traine, incapable d'écrire des mots en reliant les lettres les unes aux autres. Si les lettres étaient déjà difficiles une à une, les combinaisons telles gh et th étaient impossibles à exécuter d'une seule traite. Encore aujourd'hui, j'écris la plupart des lettres d'un mot l'une après l'autre. "
Il faut pourtant bien avouer que l'écriture en majuscules d'imprimerie leur prend un temps fou... bien souvent, elle est aussi plus grande et la moindre phrase-réponse demande plusieurs lignes...
J'ai donc longtemps cherché une solution pour réussir à faire entrer mes élèves dans l'écriture cursive... (cela me parait très important pour une bonne intégration dans la vie quotidienne - et puis un de mes élèves est scolarisé avec un de mes collègues une heure par semaine... on s'est rendu compte qu'à cette occasion, c'est son écriture qui pose le plus de problème !)
Un des moyens que j'utilise est la copie sur ordinateur (j'en parle ici ). Quand ils ont le niveau pour recopier de l'écriture cursive, je leur fais écrire avec la police "CURSIVE"...
Un de mes élèves m'a un jour dit : "C'est dur d'écrire en lié !", alors qu'il le faisait dans WORD !!!
Comme quoi, il n'y a pas que le geste d'écriture qui leur pose problème, mais aussi la succession des lettres sans découpage ! Même en tapant sur chaque touche, ça lui paraissait difficile de voir le mot écrit sur l'écran !
L'autre vrai moyen que j'ai trouvé pour réussir à faire écrire mes élèves en lié, c'est la méthode de Danièle Dumont. Danièle est ré-éducatrice en écriture. Elle est formidable ! Son livre est passionnant, il s'appelle "Le geste d'écriture".
Elle a aussi créé toute une série de petits carnets d'écriture qui ne sont pas très chers et très bien faits (grâce à ses connaissances inouies).
Voici le lien de son site.
Grâce à elle, j'ai compris que l'écriture en lié est avant tout un déplacement du poignet qui ne s'obtient pas en alignant des traits horizontaux ou verticaux sur des lignes... puisque ces traits ou autres graphismes sont toujours détachés les uns des autres : il faut vraiment travailler la fluidité du geste d'écriture.
Le cahier 1 de maternelle (le tout premier de la série) est particulièrement bien fait pour apprendre les bases des gestes que nécessitent l'écriture... Et la méthode d'apprentissage est vraiment très pratique pour rendre les élèves capables d'écrire en cursive.
J'ai en plus la chance d'avoir pu joindre Danièle Dumont à plusieurs reprises, et elle m'a apporté une aide énorme dans la prise en charge de mes élèves.
Si j'ai le temps, je réaliserai bientôt une page consacrée à ce sujet... mais je ne promets rien...