Leur avenir, c'est ce à quoi on doit penser dès qu'ils arrivent dans le groupe.
Tout notre accompagnement doit viser des objectifs précis : toutes les activités que font les élèves, que ce soit à l'atelier ou en classe, doivent leur servir pour leur avenir.
C'est incontournable.
Nos élèves ont beaucoup de difficultés à progresser et quand ils le font, il ne faut pas que ce soit vain : il faut qu'ils voient que le mal qu'ils se donnent leur est bénéfique, qu'ils en tirent quelque chose et que cela leur servira tout le reste de leur vie.
Le livret de compétences imagé (dont j'ai parlé ici) est un outil intéressant pour qu'ils se rendent compte de leur évolution. Sans repères visuels, nos élèves ont tendance à penser qu'ils ont toujours su faire ce qu'ils savent faire...
Mais le plus important est de les préparer à leur sortie de l'établissement à partir de 18 ou 19 ans...
En effet, dans la section TED de mon établissement, il n'y a pas d'amendement Creton, ce qui veut dire qu'à 20 ans, leurs parents doivent leur trouver autre chose... ils seront rayés de nos listes...
Je sais que ces mots peuvent être assez cruels : "leurs parents doivent..." leurs parents doivent toujours tellement de choses !!!
Mais c'est malheureusement la réalité.
Nous pouvons les aiguiller et leur donner notre avis, nous les informons sur les structures pour adultes que nous connaissons dans notre coin...
Mais c'est tout ce que nous pouvons faire et pire : tout cela n'est pas considéré comme une de nos missions...
Les parents se sentent vraiment seuls face à ce problème énorme : manque de place dans les structures, mais surtout manque de structures adaptées !!!
Voilà concrètement ce qu'est l'avenir des jeunes qui sont sortis de la section depuis 4 ans que j'y travaille :
- V. est sorti de la section dès la fin de ma première année sur ce poste : il avait 20 ans.
Il n'y avait de place pour lui nulle part... la section venait juste d'ouvrir, et nous n'avons pas eu le temps de prévenir ses parents qu'il fallait chercher et l'inscrire sur des listes d'attente dès ses 18 ans...
Il s'est donc retrouvé chez lui du jour au lendemain... pendant un an...
Puis il a pu avoir une place à mi-temps dans un foyer occupationnel : il y allait donc 2 jours par semaine depuis...
- L'année suivante, c'était au tour de H., 20 ans lui aussi.
H. est hyper actif : il a toujours besoin de s'occuper... quand il est sorti de l'établissement, sa maman était fort malade...
Comme V. il a pu être accepté à mi-temps dans le même foyer occupationnel... mais l'équipe de ce foyer a beaucoup de mal avec lui : ce n'est pas un foyer pour adultes autistes, mais pour personnes déficientes.
Le personnel n'est donc pas formé à l'autisme...
Au niveau matériel : très peu d'aides visuelles ou de structuration...
Et des équipes qui tournent sans arrêt sans réel référent pour chaque personne...
L'adaptation est particulièrement compliquée pour les jeunes qui sortent de notre petit cocon (même si nous faisons de notre mieux pour les préparer à la sortie...)
- Cette année, 4 élèves de notre groupe ont 20 ans ! Il s'agit de F., G., L. et N.
Nous avons justement la chance inouie que des "maisons d'autonomie" ouvrent au mois de juin !
Cette ouverture veut dire "places libres"... ces mots comme cela au pluriel, c'est vraiment quelque chose dont on doit profiter, car ça ne se reproduira pas de si tôt !!
A l'initiative de l'association opale autisme 62, un foyer occupationnel pour adultes autistes a construit une nouvelle aile qui permettra d'accueillir 12 adultes atteints d'autisme.
Pour être accepté dans ce nouveau bâtiment, il faut avoir un minimum d'autonomie, ce qui n'est pas le cas de G. et L.
En collaboration avec les parents de F. et N., nous avons donc rempli des dossiers pour répondre aux attentes de ce nouvel établissement.
Les parents, de leur côté, ont dû s'adresser à la MDPH (Maison Départementale du Handicap) afin d'orienter leurs enfants là bas et d'obtenir leur notification.
N. et F. n'ont pas encore 20 ans (en mai pour N. et en décembre pour F.), mais ils sont déjà notifiés par la MDPH : ils sont acceptés tous les 2 dans ces maisons d'autonomie !
C'est une chance, c'est sûr, mais cela ne va pas être facile : ces maisons ont, bien entendu, un régime "internat"...
Cela va faire un changement énorme pour nos 2 élèves qui jusqu'ici rentraient chez eux tous les soirs...
Nous essayons vraiment de les préparer à ce cataclysme qui va leur tomber dessus d'ici quelques mois... mais pour eux qui ont une résistance importante au moindre petit changement... cela risque d'être vraiment compliqué !!!
Nos 2 anciens élèves V. et H. ont aussi obtenu une place dans ces maisons d'autonomie : ce qui devrait permettre à L. et G. d'obtenir la leur au foyer occupationnel que les premiers quittent.
Bien sûr, on aurait pu espérer que L. et G. bénéficieraient d'une place dans uns structure adaptée à leur autisme...
Ce n'est pas parce qu'ils sont adultes qu'ils ne peuvent plus évoluer... et j'aurais aimé qu'ils puissent continuer d'être stimulés comme nous le faisons...
Mais leurs progrès depuis quelques années sont vraiment faibles..
Il faut bien avouer qu'ils stagnent et que tout ce que nous faisons ne leur permet que de conserver leurs acquis...
J'espère juste qu'ils seront heureux dans ce nouvel environnement, et surtout qu'ils ne régresseront pas trop...
Je passerai bien sûr les voir quelques semaines après leur admission (que ce soit au foyer occupationnel ou aux maisons d'autonomie)... Je vous dirai ce qu'il en est !
J'espère que cet article vous montrera à quel point il faut s'y prendre tôt pour orienter ces jeunes, car les places sont chères !
Et puis les parents ne peuvent bien souvent compter que sur eux-mêmes...
Alors bon courage à eux... et surtout aux jeunes qui doivent passer le grand cap !